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“Ils m’ont dit que tu étais morte”: adoptée au Guatemala, elle avait été kidnappée à la naissance

L’histoire de Mariela SR – Coline Fanon a tout d’un film. Pourtant, elle est une réalité pour de nombreuses personnes à travers le monde. Adoptée en 1988 au Guatemala par un couple belge, elle a découvert à l’âge de 31 ans qu’elle avait en réalité été kidnappée à la naissance. Aujourd’hui, Coline souhaite raconter son parcours pour dénoncer le trafic d’enfants, défendre ces vies volées et aider les familles à se retrouver.
Née au Guatemala en octobre 1987, Mariela est adoptée à l’âge de 11 mois par un couple belge via l’association Hacer Puente, et devient Coline Fanon. “J’avais été mise à l’adoption par ma mère biologique pour des raisons financières, parce qu’elle n’avait pas les moyens de s’occuper de moi. Ça, c’était la version officielle », raconte-t-elle.
En grandissant, Coline commence à se poser des questions sur ses racines. À l’âge de 14 ans, sa mère adoptive lui remet son dossier d’adoption rédigé en espagnol. Elle y découvre une photo de sa supposée mère biologique, prénommée Lorena, ainsi que quelques documents. L’adolescente les parcourt brièvement et y revient au fil des années, sans pour autant savoir à quelles informations se fier ni où chercher.
 
Ce n’est qu’en 2017, à l’âge de 31 ans, qu’elle s’y replonge pleinement. À l’époque, sa fille de cinq ans saute sur le canapé en criant: “Je suis une Indienne du Guatemala! Maman, on va aller au Guatemala!” Une phrase d’enfant qui bouscule Coline, qui se remet aussitôt en quête de réponses, et lève le voile sur une réalité tout autre que celle décrite dans son dossier d’adoption. 
 
Trafic
Coline découvre ainsi que la personne à la tête de son ancien orphelinat, Ofelia de Gamas, est citée dans la presse comme étant une trafiquante d’enfants. Elle tombe également sur des articles du journaliste d’investigation franco-hondurien Sebastien Escalon, qui est le premier à avoir enquêté sur le début du trafic dans les années 80.
“J’ai pris contact avec lui et il m’a aidée à chercher ma famille au Guatemala. Il s’est directement mis en contact avec la LIGA, le programme de recherche des personnes disparues sur place. Quand je lui ai cité le nom d’Ofelia de Gamas, qui apparaît dans mon dossier, c’était évident pour lui qu’on était sur un dossier issu d’un trafic d’enfant”.
Des retrouvailles bouleversantes
De son côté, Coline se met aussi à la recherche de sa mère et finit par la retrouver sur Facebook. “J’étais sûre que c’était elle grâce à nos ressemblances physiques”. Elle lui envoie alors un premier message, qui reste sans réponse. “Elle ne l’avait pas vu. J’ai attendu, puis au bout de dix jours, ne tenant plus, j’ai contacté ma sœur aînée et je lui ai tout expliqué. Elle m’a répondu qu’il était impossible que je sois sa sœur, mais que je lui ressemblais tellement que ça en devenait presque évident. J’ai ensuite eu une conversation avec une autre de mes sœurs qui m’a écrit textuellement: ‘C’est impossible que tu sois vivante. Pour nous, Mariela est morte le 7 novembre 1986’”. 
 
Les deux jeunes femmes préviennent toutefois leur mère, qui contacte Coline dans la foulée: “Bonjour ma chérie, je crois que je suis ta maman. Ils m’ont dit que tu étais morte”, lui écrit-elle.
 
Victime du trafic d’enfants
En novembre 1986, le régime guatémaltèque a annoncé à Lorena que sa fille était morte et enterrée dans une fosse commune. En réalité, elle a été volée à sa famille deux jours après sa naissance et séquestrée durant onze mois avant d’être vendue sous le prétexte d’une adoption internationale.
 
“Mes parents sont passés par une organisation belge qui s’occupait de tout”, précise Coline. “Il y a eu une enquête sociale, la procédure en vigueur concernant les adoptions a été respectée. Tout a été fait totalement dans les règles. C’est ça qui est le plus affreux. En faisant tout dans les règles, ça peut arriver, ça arrive encore. C’est là tout mon combat”.
 
Un équilibre fragile
Forcément bousculée par ces découvertes, Coline s’est rapidement mise en quête d’aider les autres personnes dans son cas en créant la fondation Racines Perdues, qui accompagne les victimes guatémaltèques d’adoptions illégales, recherche leurs familles et défend leur cause. “C’est ça qui m’a permis de tenir. Je me suis dit que j’allais aider les autres. C’est presque devenu une mission. J’ai tout en main: je sais comment chercher, avec qui collaborer, qui contacter…  Autant mettre à profit ce que je sais pour que d’autres vivent aussi de telles retrouvailles”.
 
“Dans un premier temps ça a été compliqué à gérer. Ça l’est toujours », précise-t-elle. “C’est un équilibre très fragile. Mais je m’estime très chanceuse d’avoir retrouvé ma famille, parce que je sais qu’il y en a beaucoup qui ne la retrouveront jamais”.
“Je ne lâcherai pas”
Aujourd’hui, Coline réclame une commission d’enquête parlementaire et une reconnaissance des adoptions illégales, “parce qu’elles existent et qu’il faut en parler”. “C’est toujours la même chose. Les parents adoptifs ont respecté les règles, les agences ont respecté les règles, mais les informations qui figurent dans les dossiers sont fausses. On vérifie la forme, mais jamais le fond, et c’est là que réside tout le problème.
 
Elle a également écrit un livre, “Maman, je ne suis pas morte”, qui paraîtra en novembre aux éditions Kennes. Une nouvelle occasion de raconter son histoire, mais également de présenter le travail qu’elle effectue (bénévolement) au travers de sa fondation. “Je ne lâcherai pas. Je veux que le message résonne, tant auprès des politiques, que dans les institutions. L’adoption est quelque chose de très beau, je ne remets pas ça en cause. Mais je pense qu’il y a vraiment quelque chose à changer en matière de responsabilité, de conscience et d’humanité”.
 
Une évidence
En attendant, Coline entretient des rapports privilégiés avec ses deux familles. “À cause de la Covid, je n’ai plus vu ma maman biologique depuis septembre 2019. C’est très long. Mais les rapports sont super avec tout le monde. Mes parents ici en Belgique ont été très bienveillants et aimants. J’ai vraiment beaucoup de chance. Ça a été très dur quand on a découvert tout ça, mais on s’est vraiment soutenus. Quant à ma famille au Guatemala, ça a été une évidence. À partir du moment où on a été reconnectés, c’est comme si je n’étais jamais partie. Je fais partie intégrante de la famille. C’est ma famille. C’est ma maman”.

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